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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 10:45

 

Ecrire un texte dans lequel il fallait glisser : « Cela aurait dû être le plus beau jour de ma vie ! »

Merci Thaïs !



  

« Cela aurait dû être le plus beau jour de ma vie ! » Voilà ce que pensait Adam, perché sur une haute branche, alors qu’un être repoussant tentait d’escalader le pommier chargé de fruits alléchants à l’assaut de son corps et de sa virginité.

Quelques jours auparavant, il avait prié de toutes ses forces, avait psalmodié sans relâche « Mon Père qui êtes aux cieux », pour qu’enfin le Tout-Puissant lui crée un compagnon de route, de jeux de l’amour et du hasard. L’Autre là-haut devait être sourd, ou feindre de l’être, il lanterna avant d’octroyer au premier des mortels un complice répondant à son cahier des charges. Finalement, il consentit à quitter l’Olympe, abandonnant provisoirement ses congénères divins, s’engouffra dans le premier interciel qui passait et descendit à l’arrêt du pommier où, régulièrement, il venait disserter avec son adversaire et néanmoins ami, le serpent.

Après quelques secondes d’éternité, Adam vint le rejoindre dans le plus simple appareil, faute d’avoir pu dénicher sur les ceps récemment plantés une feuille de taille adéquate. Il voulut l’embrasser, mais Dieu prétexta pour ne pas le biser que l’étiquette s’opposait tout à fait à pareilles familiarités. A dire vrai, son appareil reproducteur flambant neuf rebutait un peu le Créateur, qui préféra du coup le tenir à distance. Si d’aucuns se mélangeaient parmi les Olympiens, le Très-Haut préférait pour sa part culbuter seul, sa Diane chasseresse.

Adam expliqua à Dieu qu’il s’ennuyait ferme, et désirait ardemment un nouveau compagnon. Magnanime, le Grand Architecte voulut bien envisager la requête, mais fit valoir que tout ne pourrait se dérouler simplement par la seule opération du Saint-Esprit. Sans anesthésie préalable, Dieu lui arracha une côte après quelques palabres.

L’os court se sublima en un être peu ou prou de la même taille qu’Adam, mais un dimorphisme flagrant apparut cependant, qui traumatisa dans l’instant le pauvre convalescent. Un ballot de paille trônait sur la tête de la chose, s’en échappaient des brins venant griffer de trop frêles épaules. Les tétons pointaient sur d’immondes boursouflures, et pire encore, rien ne pendait entre les jambes ! Adam se retourna vers le barbu divin et l’implora de revoir sa copie. Il désirait un double, pas un brouillon ! Adam rêvait de jeux d’amour et de plaisir, pas de coït contre nature ! Quelle horreur lui proposait-on ?!

Il sentit une main se poser soudain sur son épaule, l’être difforme lui souriait. Il décela dans son regard mouillé un éclat de lubricité, qu’il eût préféré retrouver dans la luisance d’un œil testiculé.

Pris d’une terrible panique, il réunit suffisamment de ressources pour s’élancer à l’assaut des cimes du pommier, s’y réfugia sur l’une des plus hautes branches. Le plus horrible jour de sa vie, sans aucun doute possible ! Privé de toute échappatoire, il hurla son effroi, tirant de sa torpeur le serpent qui sommeillait là. Pour calmer l’hystérique, et pouvoir à nouveau se plonger dans une léthargie salvatrice, la saucisse à sang froid – comme aimait à l’appeler le Tout-Puissant – vint susurrer à l’oreille d’Adam quelques mots apaisants : « Croque la pomme avec Eve une seule fois, et tu en seras à tout jamais débarrassé. J’intercèderai auprès de Dieu pour qu’il crée ta parfaite réplique cette fois, ainsi pourrez-vous vous ramoner le fond de la grotte. » Adam, terriblement choqué d’un tel langage mais acculé et prêt à tout, crut dans le bien-fondé des propos du reptile.

Il sauta par terre et Eve par la force des choses, quand son petit Jésus dérapa vers les tréfonds de la grotte de Massabielle. Le piège tendu par le serpent fonctionna. Un spermatozoïde féconda l’ovule, privant l’homosexualité de tout espoir de primauté, mais assurant à l’humanité une chance de pérennité.

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4 juin 2013 2 04 /06 /juin /2013 10:50

Suspendu à la poutre maîtresse de la mezzanine, un homme pendouille, une corde en guise de collier porté trop à ras, dans un mouvement de balancier digne d’une comtoise. José Guilbot, l’auteur de « Dans la boîte », s’est donné la mort quelques jours après avoir obtenu le prix du concours du premier roman. La pile d’exemplaires de son livre lui a servi de point haut pour se jeter dans le vide.
Pourtant, tout avait bien commencé : cette idée de huis clos, cet univers baroque et étrange à la fois avaient plu aux éditions « Mandragore » qui publiaient des histoires fantasmagoriques où les personnages étaient aussi fous que les auteurs, aussi bizarres que l’éditeur. En quelques semaines, « Dans la boîte » se vendit en des milliers d’exemplaires, les interviews aux journaux locaux se transformèrent en plébiscites nationaux. Le prix du concours du premier roman lui fut décerné en grande pompe lors d’une réception dans un grand hôtel parisien. José, qui aimait avant tout sa quiétude, se prêta de mauvaise grâce à tout ce grand barnum. Les tranquillisants absorbés le soir se mariaient mal aux amphétamines ingurgitées le matin. Il était devenu homme-sandwich pour laboratoires pharmaceutiques.
José vivait dans le lit de ses désespoirs ne se levant que pour avaler des médocs aux noms obscurs. La loque se traînait jusqu’aux toilettes pour vomir ses tripes et ses idées noires.
Jusqu’à ce jour où quelqu’un frappa à sa porte ; les tempes de José résonnaient au rythme des coups assénés. Ne supportant cette agression, il se releva difficilement, avança d’un pied incertain et appuya à contrecœur sur la clenche. Le rustre qui lui faisait face sourit et s’exclama :
- Enfin !
- Qui êtes-vous ? marmonna José, la bave aux commissures des lèvres.
- Vous ne me reconnaissez pas ?
L’épave regardait l’homme à la stature imposante. Il était blond, un sourire carnassier s’affichait sous un nez aquilin. José en était certain, il ne l’avait jamais vu, pourtant l’homme ne lui était pas inconnu.
Il s’effaça pour le laisser entrer, surpris lui-même par son geste. Cette démarche, ce complet chic, cette aisance imitaient parfaitement ceux du héros de son roman… mais oui, pourquoi ne pas y avoir pensé auparavant ?
- Marc Saulier ?
- Exactement. Je vois que votre esprit a repris l’ascendant sur les produits que vous ingurgitez. Je suis bien le héros de votre livre.
- Comment est-ce possible ? Je suis en plein cauchemar !
- Vous êtes bien éveillé. Je viens vous faire payer la rançon de votre gloire. Relisez l’alinéa 4B de votre contrat d’édition. Il est écrit : vos rêves dépasseront la réalité, mais il faudra un jour vous acquitter des droits de notoriété !
José courut vers sa chambre, extirpa d’un tiroir le contrat d’édition pour vérifier… L’alinéa en question était vrai, pourtant il n’en avait pas acté l’importance ou pas bien compris sa teneur.
Il revint ivre de rage vers son héros devenu son ennemi.
- Que désirez-vous ? Êtes-vous le Diable ?
- Le Diable ! Non, un de ses amis à qui il confie ses viles besognes. Ne connaissez-vous pas le mythe de Faust ? Je suis en charge de faire respecter ce type de contrats. Allons, cher auteur à la gloire éphémère, il vous faut payer éternellement la note.
José se sentit acculé. Il ne sut que dire ou comment agir. Il quitta la pièce principale pour se réfugier dans son bureau perché en haut de la mezzanine. Cette pièce avait toujours été un refuge, l’endroit où il puisait son imagination, il y trouverait certainement la solution…

 

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 18:33

Le texte devait commencer par "Et puis, il y a eu la lettre." et se terminer par le mot "fin"

Ca manque un peu de fignolage... , pas eu le temps de bien finir, la Bretagne m'a empêché de terminer.

 

Et puis, il y a eu la lettre. Cette maudite lettre, devrais-je dire ! Depuis son apparition, je n’éprouve plus aucun plaisir à coucher consonnes et voyelles sur des feuilles A4, B5 et autres standards de correspondance, qu’elle soit amicale, familiale, pour les Ympôts ou mon prorpriétaYre ! Moi, Jean S., multilauréats pour son thrilleur Les points sur les i, je suis poursuivi, épié, traqué par Elle. Sans répit. Elle se joue de moY, disparaYt sitôt apparue ! Elle laisse à mon écriture quelques phrases de répit, puis revYent à la charge ! Pourtant je la chéris autant que les autres ! Le i non hellénique est chassé, martirisé – le grec lui laisse parfois sa place -, rabaissé aux rôles secondaires.

Parfois, elle se métamorphose et expédie sa nouvelle victime bien loin, aux calanques grecques. Les doubles se font doubler. Un exemple : le baYYon de fYYt ! Elle ne me laisse jamais plus d’une mYnute de repos. Qu’elle soit manuscrite ou dactilographyée, ma plume souffre de cette intervention abusYve, de cette fausse coYYaboration. Je crains à l’anéantissement total de mon vocabulaire. Alors, avant-hier, j’ai pris une grande décision : je n’écrirai plus le moindre petit mot ! J’ai décYdé de détruire tous les moyens d’écriture mis à ma dispositYon. J’ai pYlé crayons, stilo-plume au moyen d’un marteau vengeur. RYen n’i a fait, elle se joue encore et encore de ma personne. J’ai Yeté mon ordinateur, fracaYYé ma vieYYe Remington.

Y est revenu, insidieusement, s’est exhibé dans les publYcités exposées aux vYtrYnes des magasYns, des abrYs bus, et autres panneaux. Jusque dans mon poste de télévision ! Les i sont chassés par le Y, le minuscule devient majuscule. Touyours présent, dissimulé derrière le pont d’un M ou à l’ombre d’un H maYuscule

 Renoncer à écrYre s’était avéré vaYn. Je dois l’affronter. Il me reste à savoir quelle tactique Ye vais adopter pour éradiquer cet intrus qui dévore les champs d’expression les plus divers avec avidité, sans pudeur ni respect pour ses compagnons. L’Emmerdeur devrais-Ye dire ! Moi Lino Ventura, lui Yacques Brel ! Il s’est mis à croquer les j également.

 

 Je ne dors plus, j’avale des tYsanes auYasmYn, je gobe des tranquiYYisants, pourtant, la lumYère est aYYarue.

 

Ye m’étais trompé, ce n’était pas mon écriture la cause de mon malheur, mais la lecture. La solution évidente, mais douloureuse, sera définitive. Les aYYiches publicitaYres et les lYvres n’auront plus de cheval de Troye. Mes mots deviendront sons et mes oreiYYes, mes guides. Je prends une paire de ciseaux, aYYelle les secours pour qu’ils vYennent à mon chevet. D’un geste brusque, j’enfonce les bouts des cYseaux, le hurlement qui suit annonce la disparition de toutes les lettres, mais de ma tourmente ce sera la fin.

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 22:10

Au gré des vents

Paris, 1878

La personne qui vient d'entrer dans le salon, ne m'est pas inconnue. Sa mine blafarde ne rend pas justice à l'éphèbe qu'il me rappelle. Cet être hirsute a déjà croisé ma route. J'ai admiré maints visages, remarqué des faciès bien singuliers au cours de mes voyages, mais celui-là, j'en jurerais, c'est à Paris que je l'ai vu. Son nom ne me revient pas ; le lieu exact de notre rencontre non plus. J'ai emmené mon paquetage sur tant de miles marins, vogué sur de si nombreuses mers, partagé le quotidien de tant de peuples différents, au hasard des mouillages, que ma mémoire est encombrée de souvenirs.
Je l'observe. Il me dévisage aussi. Se souvient-il de quelque chose ? Je dois en avoir le cœur net.

- Excusez ma hardiesse Monsieur, mais votre visage m'est familier. Nous sommes-nous déjà rencontrés ?
- Je me posais également cette question, sans me souvenir précisément de l'endroit. Paris sans doute. A moins... Avez vous voyagé Monsieur ? Je reviens de Scandinavie, après un séjour aux Indes. Londres peut-être ?
-  Oui, j’ai voyagé. Mes propres périples ne m'ont pas conduit dans les mêmes contrées. Mais cela nous reviendra peut-être.

Ma coupe de cheveux se termine, la sienne commence à peine. Quel travail dantesque ! Que de broussailles ! J'aime les barbiers de cette ville qui jouxtent les beaux marchés.
Mais agaçante, la question me revient sans cesse à l'esprit. Qui est-il ? Son teint est blême. Il me dévisage toujours dans le reflet du miroir. Son insistance me glace. Aurait-il des mœurs italiennes ? Réfléchissons.
Il a sûrement mon âge et son accent me donne à penser qu'il vient du Nord. Je me souviens à présent ! Je l'ai croisé lors d'un séjour à Paris, il y a de cela quelques années. Il avait pour fréquentation un cercle de parnassiens. Quand ceux-ci l'ont exclu de leur groupe, il est reparti vers la Somme ou vers l'Aisne. A moins qu'il ne soit Ardennais.
Le retrouver ici, quel hasard ! Je viens rarement dans la capitale, seulement si l’état major m’y envoie. C’est une occasion de venir saluer mon cousin Yves, barbier charentais monté à Paris.
Cet homme y est descendu mais quelle chute ! Il était beau jeune, talentueux. La qualité innovante de sa poésie était célébrée par l'élite intellectuelle du pays. Comment est-il tombé aussi bas ?
Une connaissance m'en a touché un mot. Germain était à Londres avec lui, Paul aussi. Il n'a plus d'attache, plus de bollard où s'amarrer. Il n'en désire plus. Il erre maintenant de pays en pays. Et d'aventure en aventure, de port en port. Il est en perdition, à la dérive. Il n'a plus de boussole pour le guider ; sa géodésie doit être différente de la mienne, moi le spahi des mers.
Mon bateau est militaire, le sien est ivre. L'absinthe coule dans ses veines. Dans ses artères aussi. J'ai accosté sur bien des rivages, amicaux ou hostiles. J'aborderai d'autres côtes, islandaises, bretonnes ou basques. Nous avons, dans la Marine, le compas dans l'œil. Mon embarcation est toujours arrivée à destination.
Je sors du salon en le saluant. Il ne doit pas se souvenir de moi. Les visages qui ont jalonné sa vie sont maintenant dilués dans ses volutes d'opium. Une autre façon de voguer vers des pays magiques, oublieux des adieux, ne retenant que les illuminations de l'aube. Au gré des vents.

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